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La traversée des Pyrénées en ski de rando

A l’occasion du dernier numéro spécial raid à skis, retrouvez ici le récit et les infos d’une traversée des Pyrénées à ski de rando. Ce périple a été réalisé au cours de l’hiver 2016/2017 après une traversée des Alpes à pieds et une transition entre les 2 massifs en vélo… Belle motivation pour Marion et Rudi auteurs de cet article.

Masque de ski

Pourquoi la Traversée des Pyrénées de la mer à l’océan :

Nous avions décidé de prendre une année de disponibilité pour faire beaucoup de montagne avant de fonder une famille. Une traversée des Alpes par les sommets semblait une évidence. Se déplacer sans moyen motorisé pendant un an allait de soi. Cependant, l’idée de traverser les Pyrénées nous a été impulsée par l’affiche de la Traversée des Pyrénées de Jean-René Minelli que nous avons vue au refuge de la Lavey dans les Ecrins. Nous avions moins d’expérience en itinérance l’hiver que l’été mais nous nous sommes dit qu’en préparant bien il n’y avait pas de raison !

Préparation :

Nous avons contacté Jean-René Minelli pour avoir des conseils. Nous effectué un raid d’une semaine avec lui et nous avons étudié son topo.

Cartographie :

Les cartes papiers étaient trop volumineuses et anticiper l’envoi au bon endroit étaient trop fastidieux. Nous avons opté pour faire notre navigation avec deux smartphones : Crosscall.

Ce sont des téléphones volumineux mais qui tiennent très bien la batterie.

Nous avons utilisé l’application gratuite Orux Maps qui permet de joindre les cartes françaises et espagnoles (ou françaises et suisses pour les Alpes).

Nous avions un Crosscall chacun avec toutes les cartes dont un que nous n’utilisions pas qui était là seulement en cas de secours.

Itinéraires :

Nous avons essentiellement suivi le topo de Jean-René Minelli que nous adaptions le soir en fonction des risques annoncés.

Gestion du risque avalanches :

Nous consultions le BRA le plus possible et en fonction nous adaptions notre itinéraire. Au fil de semaines nous nous sommes rendu compte que d’être tous les jours en montagne nous donnait toutes les informations nécessaires pour la sortie du lendemain.

L’avantage des Pyrénées c’est qu’il y a toujours un plan A, B, C, D et même E. Cela ne sert à rien de prendre des risques.

Nous appliquions la méthode de vigilance encadrée et nous consultions les pentes à 30 degrés.

Gain de place :

Nous voulions prendre nos sacs airbag nous devions donc réduire le poids et le volume de notre chargement.

Nous avons fait le choix de ne pas prendre de repas de midi mais de manger des fruits secs tout au long de la journée.

Nous n’avons pas pris de thermos. Nous avons partagé notre 1,5 L en trois bouteilles de 0,5 L dont deux d’entre elles étaient à l’intérieur de notre doudoune sans manche ; ainsi l’eau était tiède et nous économisions un volume d’1L dans notre sac.

Nous n’avons pas pris de gros gants ; nous avions déjà testé que les sur-gants kway avec une paire de gants polaire remplaçaient une paire de gros gants pour nous.

Le baudrier, mousquetons et descendeur étaient toujours sur nous.

Nous n’avons pas pris de carte papier.

Nous n’avons pas pris de panneau solaire.

Nous avons coupé le manche de la brosse à dents, pris une cuillère pour deux, pas de bols : nous mangions dans la casserole au manche coupé.

Logistiques :

Nous sommes arrivés à vélo au pied des Pyrénées. Des membres de nos familles nous ont rejoint pour commencer la traversée avec nous sur le Gr10 tout en nous apportant nos affaires de skis que nous avons pu laisser pendant les premiers jours de marches sans neige dans un petit hôtel à Argelès sur Mer.

Arrivée à Amélie-les-Bains, nous avons trouvé la neige. Nous avons effectué un aller-retour en stop pour récupérer nos affaires de ski et télémark à Argelès.

Nous nous étions envoyé cinq colis de nourriture dans des refuges ou gites que nous avions contactés au préalable.

Aux Chalets d’Iraty, nous avons laissé nos affaires de ski et récupéré notre sac à dos pour terminer les cinq jours qui nous ont menés à l’océan. Une fois à Hendaye, nous avons fait du stop jusqu’aux Chalets d’Iraty pour récupérer nos skis. Puis retour à Hendaye où de la famille nous attendait pour repartir à vélo !

Quelques chiffres :

Une traversée de 2 mois de mi-juillet à mi-mars :

– en marchant environ 700km avec une moyenne de 1,8 km/h (en comptant 9h par jour)

– en portant nos sacs sur 50 000m de dénivelés positifs et 50 000m négatifs

– en dormant un tiers du temps en cabane de berger ou refuge non gardé, un tiers en vallée et un tiers en refuge gardé.

– nous nous étions envoyés cinq colis de ravitaillement qui nous attendaient dans des gîtes d’étapes. (Nous avons retrouvé nos cinq colis au bon endroit !)

– en skiant 43 jours.

– en randonnant sans neige les premiers 5 jours et les 5 derniers jours

– en nous reposant 7 jours.

– en croisant 20 personnes en raquettes ou skis dans les montagnes durant ces deux mois !

– compter 2500 euros chacun maximum.

– le poids des sacs :13kg max pour Marion et 18 kg max pour Rudi

Dates et orientation :

Pour optimiser l’enneigement la bonne période est de mi-janvier à mi-mars. Et pour optimiser l’exposition des pentes, il est préférable de faire la traversée d’est en ouest.

Colis de ravitaillement : (prévus pour cinq jours d’autonomie)

Nourriture par personne et par jour :

1 portion de purée pour deux personnes ou de semoule fine, une soupe lyophilisée, sauce tomate, deux carrés de chocolat, deux sachets de thé, quatre sucres, muesli, six cuillères à soupe de lait entier en poudre, pâte d’amande, cacahuètes, abricots et figues séchés (un fruit sec ou un morceau de pate d’amande par heure accompagné d’une poignée de cacahuète) et 1,5 L d’eau.

Matériel :

– textile : un mérinos manche longue, une polaire, une doudoune sans manche synthétique Quechua, une doudoune plume avec capuche Quechua, une Novadry Kalenji avec capuche, un bonnet, un Buff, un masque, une paire de lunettes, un collant polaire, un pantalon de ski de randonnée Simond, deux paires de chaussettes mérinos, deux paires de gants polaires, une paire de sur-gants K-way, deux slips, deux mouchoirs en tissus.

– matériel de sécurité : DVA, pelle, sonde, baudrier, deux mousquetons, un assureur, une corde de 30 m pour les deux, une paire de crampons aluminium, une paire de couteaux, une paire de peaux de phoque et une paire de gants doudoune pour deux.

– matériel d’itinérance : duvet plume, un demi tapis de sol chacun, une casserole de 2L, un couvercle, une cuillère (pour deux), un butagaz, un briquet.

– fond de sac : une boussole, deux altimètres, stick solaire minéral, crème solaire, une brosse à dent sans manche (pour deux), un tube de dentifrice, paraffine, trois frontales, piles de rechange.

– Trousse à pharmacie : compeed, une pince à épiler, un tube d’homéoplasmine, deux Efferalgan, du strap.

– sac à dos : un sac airbag North Face de 26L et un sac airbag Dakine de 40L.

Quelques anecdotes :

– Le chien de Mr le Maire de l’Hospitalet-près-l’Andorre nous a suivi et a fait de jolies étapes avec nous : Refuge de Rulhe, Col sans nom, Quioulès, porte de Salounet, El Serrat. Ce charmant compagnon nous a coûté 60 euros de hors forfait pour qu’il puisse retrouver son maître !

– Rudi se décidant au dernier moment de faire la traversée en télémark et ne possédant pas de télémark rando, nous avons dû les choisir sur internet pendant notre trajet à vélo et croiser les doigts pour que le matériel choisi corresponde, qu’il arrive à bon port et à temps !

– Laissant nos skis aux Chalets d’Iraty, ils nous restent maintenant 5 jours de marches. Nous sommes contents de nous alléger et de retrouver nos chaussures de randonnées. L’allègement n’est pas des moindre car dans notre envoi nous avons oublié un sac à dos mais heureusement toutes nos affaires tenaient dans un seul sac. Nous finissons donc avec un sac pour deux ! Les gardiens de gîte en nous voyant avec un sac pour deux nous disaient : « D’habitude les randonneurs qui dorment ici font de l’itinérance sur plusieurs jours ! »

– Nous partons des Chalets d’Iraty porté l’envie de mettre les pieds dans l’océan à vive allure en nous sentant en pleine forme. Le lendemain fût moins drôle. D’avoir endormi nos articulations pendant quasiment deux mois (car à la montée comme à la descente, il n’y a pas de chocs en ski de randonnée), nous pouvons dire que leurs réveils ont été douloureux !

Pour finir :

Les Pyrénées : des myriades de lacs, des reliefs déroutants par leur diversité, la belle couleur du granit fauve qui contraste avec le blanc étourdissant. Pour sûr, nous comprenons pourquoi l’ours brun a choisi ce territoire.

Au-delà de ce voyage dans les hauteurs enneigées de la mer à l’océan qui nous a laissé un souvenir indescriptible de rencontres, de paysages et d’émotions, nous pouvons dire qu’il nous a appris à gérer le risque et à prendre des décisions.

En faisant cette traversée en couple à 28 ans, nous aimerions que cela donne envie aux skis de randonneurs de se lancer dans cette aventure incroyable, sauvage et enrichissante.

L’important est de se sentir prêt comme dirait Berault !